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Nouvelles perspectives sur la gestion du risque

Larry Wilson

Traduit de l’anglais. La version originale par Larry Wilson a paru dans Compliance Magazine en septembre 2002. Reproduit avec permission.

 

En analysant le rapport entre les chaudes alertes, les accidents et les blessures mortelles, les pro-fessionnels de la sécurité peuvent démontrer que les accidents sont attribuables au comportement humain plutôt qu’à la chance uniquement.

La plupart des professionnels de la sécurité sont familiers avec les pyramides ou les triangles de risques. Bien que la perspective qu’offrent ces triangles s’avère importante, certains praticiens interprètent les nombres trop textuellement.

 

Bref regard vers arrière sur l’analyse du risque

En 1929, William Heinrich postula que la relation entre les risques et les chaudes alertes (quasi-incidents et blessures avec premiers soins) produit un rapport de 10 à 1; et la relation entre les chaudes alertes et les blessures mineures (enregistrées) produit également un rapport de 10 à 1. De plus, il constata que la relation entre les blessures mineures et les blessures majeures (avec perte de temps) produit un rapport de 10 à 1. Finalement, il examina la relation entre les blessures majeures et les blessures mortelles et cette corrélation produisit un rapport de 30 à 1. (Voir figure 1.)

 

Figure 1

Figure 1

 

En 1960, Frank Bird tira la même conclusion, mais il présenta des nombres différents. Il conclut que pour 600 incidents sans dommages visibles, il y avait 30 incidents avec dommages visibles; et pour 10 blessures mineures, il y avait une blessure sérieuse (voir figure 2.)

 

Figure 2

Figure 2

 

L’analyse aujourd’hui

Aujourd’hui, la relation entre les cas enregistrés d’indemnité pour accidents du travail et ceux pour des journées perdues est seulement de 2 à 1; le rapport entre des journées perdues et des blessures mortelles est de 500-600 à 1, approximativement. Toutefois, plusieurs professionnels de la sécurité rapportent encore à la gestion et aux employés que la différence entre les chaudes alertes et les blessures mortelles est la chance. Dans certaines situations, c’est vrai. Mais, quelques exemples incontestables, tels qu’une explosion lorsqu’il n’y a personne dans les lieux, nous rappellent que la relation n’est pas toujours aussi simple.

Un autre point intéressant en regard aux pyramides de risques et les rapports qu’ils ont entre eux est le fait qu’ils permettent également l’application d’une analyse sur une base individuelle. (La plupart des gens ont subi plus de blessures avec premiers soins et blessures mineures, que de blessures sérieuses.) C’est tout à fait logique, étant donné que les relations « macro » forment le total des relations « micro ».

Au cours de ma carrière, j’ai demandé à des dizaines de milliers de personnes de construire leur propre pyramide de risques. Les résultats sont certainement très différents de ceux du rapport de 10 à 1. En fait, on note une différence marquante qui révèle que les blessures sont attribuables à des causes et non à la chance ou au hasard.

Ce n’est pas surprenant de constater que parmi les gens interrogés, personne n’avait subi de blessure mortelle. Toutefois, la plupart des personnes, en moyenne entre 30 et 50 ans, ont subi entre 1 et 5 blessures sérieuses.

Si vous descendez d’un niveau dans la pyramide, ces mêmes personnes ont subi entre 5 et 10 blessures mineures (points de suture ou entorses). Et voici où tout ceci devient intéressant. Pour ce qui est des coupures, des ecchymoses et des égratignures, elles en ont subies entre 5 000 et 10 000, et presque la moitié de celles-ci, avant l’âge de 8 ans. Lorsqu’on leur demanda le nombre de chaudes alertes qu’elles avaient vécues, telles que presque tomber, mais retrouver son équilibre, ou freiner rapidement pour éviter de frapper un autre véhicule, camion ou piéton, peu de gens ont pu totaliser ces alertes, qui auraient pu entraîner la mort, bien que la plupart évalue un nombre entre 10 et 20. Donc, l’analyse sur une base individuelle ressemblera plutôt à la figure 3. Cela veut donc dire que pour la plupart des personnes, la relation entre les blessures avec premiers soins ou les coupures, les ecchymoses et les égratignures et les blessures nécessitant les soins d’un médecin produit un rapport de 1 000 à 1. Cela diffère beaucoup du rapport de 10 à 1. On peut donc conclure que la relation qui existe de 1 000 à 1 impliquait plus que de la chance.

 

Figure 3

Figure 3

 

Supposons, par exemple, que nous postulons que la différence entre les coupures/ecchymoses et les points de suture/fractures est que la personne fait preuve de réflexes immédiats pendant une fraction de seconde. Sans réflexes immédiats, le résultat serait sans doute pire ou la blessure serait plus sérieuse. Il s’ensuit donc que les principales raisons pour lesquelles les gens n’auraient pas fait preuve de réflexes sont qu’ils n’ont pas vu le danger ou ne l’ont pas vu à temps.

 

Être prudent, ce n’est pas de la chance

Si nous acceptons que la relation de 1 000 à 1 existe en fonction de « fixer les yeux et la pensée sur la tâche à accomplir » plutôt que la chance, les nombres commencent à prendre tout leur sens.

De plus, un sondage visant à recueillir des données au sujet des blessures sérieuses subies par les personnes questionnées révélerait que lorsque celles-ci se sont blessées sérieusement, elles avaient commis l’erreur de ne pas fixer les yeux ou la pensée sur la tâche à accomplir. Ces mêmes erreurs ont peut-être contribué à ce que ces personnes se mettent dans la ligne de tir ou se dirigent vers elle ou encore perdent l’équilibre, l’adhérence ou la prise.

 

Figure 4

Figure 4

 

Il est important de souligner que les erreurs telles que ne pas fixer les yeux ou la pensée sur le travail à accomplir ne sont pas impliquées dans toutes les blessures sérieuses. Parfois, l’équipement ou l’autre personne a causé la blessure. Toutefois, parmi les 45 000 personnes questionnées, les événements tels que l’équipement qui a produit un effet inattendu ou l’autre personne qui a fait quelque chose d’inattendu représente moins de 10 pour cent des blessures sérieuses.

Donc, si vous dites aux gens que la différence entre les blessures sérieuses et les chaudes alertes est la chance, ne soyez pas surpris s’ils ne vous croient pas. Selon toute probabilité, ils n’auront pas demandé à 45 000 personnes comment elles se sont blessées pour confirmer leurs soupçons. Mais les gens savent intuitivement que ce n’est pas aussi simple. Après tout, ils ont subi des milliers de blessures et seulement quelques-unes parmi elles étaient sérieuses.

 

Larry Wilson agit à titre de consultant en santé et sécurité depuis vingt années. Il a travaillé sur place à plus de 1 000 entreprises, et ce, au Canada, aux États-Unis, au Mexique et en Europe. Il est l’auteur de SafeStart, un programme avancé de sensibilisation à la sécurité. Plus d’un million de personnes utilisent ce programme.

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