Par Larry Wilson
« Le renforcement positif et efficace demande efforts et énergies »
Dans la quête de traiter toutes les personnes de façon équitable, bien souvent nous oublions que nous ne pouvons traiter tout le monde de la même façon. Malgré le fait que j’aie visité plus de 500 milieux de travail différents, et ce, au Canada, aux États- Unis, au Mexique et en Europe, je n’ai jamais vu plus d’un guide de normes et de procédures ou au mieux plus d’une forme de formation à la sécurité en milieu de travail.
Il va sans dire, que tous et chacun sommes motivés à ne pas nous blesser. (Une blessure demeure une blessure, quel que soit notre âge). Mais, demandez à n’importe qui si l’approche utilisée afin de motiver un travailleur de 20 ans sera la même que pour le travailleur qui en a 60… Assurément, on vous répondra par la négative. Le même principe s’applique également lorsqu’il s’agit du sexe de la personne : très peu de gens utiliseront la même approche selon que l’on s’adresse à une femme ou à un homme.
N’importe quelle personne qualifiée dans le domaine de la vente vous le confirmera : il vaut mieux personnaliser son approche, selon la personne à qui l’on s’adresse, que de réitérer le même principe de vente à succès!
Toutefois, les professionnels de la santé n’ont pas tous nécessairement cette expertise du milieu de la vente. De fait, l’un des plus grands problèmes avec lequel ces professionnels ont à transiger est d’arriver à « vendre » l’importance vitale de la sécurité au personnel cadre des entreprises. Bien sûr, vendre et réussir à motiver des personnes à poser ou à ne pas poser certains gestes sont deux éléments bien différents; néanmoins, la ligne entre les deux gestes est plutôt mince. D’ailleurs, ne retrouvet- on pas dans le langage quotidien des affaires, des expressions telles : « je n’arrive pas à acheter cette idée » ou encore « nous avons besoin de sentir que les travailleurs sont vendus à cette idée ».
La vente se résume à des notions de besoins, de désirs et d’avantages. Un bon vendeur connaît et reconnaît ces fondements. Toutefois, tel que je l’ai mentionné plus tôt, je n’ai jamais vu (et je parierais que vous non plus n’avez jamais été témoin de ceci) un ensemble de normes et de procédures pour les jeunes travailleurs et un autre ensemble, pour les travailleurs plus âgés. Cet état de fait pourrait peut-être s’expliquer du fait du fondement suivant : les risques de blessures peuvent arriver à TOUS; sans compter également, les nombreuses difficultés et contretemps que rencontrent les services des ressources humaines en tentant de gérer plus d’un ensemble ou plus d’un guide à la fois, en termes de normes et de procédures.
Toutefois, à moins que votre entreprise fasse partie des statistiques hors de la normale, les très jeunes travailleurs et les travailleurs les plus âgés sont les deux groupes qui cumulent le plus de lésions en milieu de travail et ce, bien plus que tous les autres travailleurs entre ces deux pôles.
De toute façon, peu importe l’âge! Toutes les lésions sont comptabilisées et à la fin d’une année, les nombres inscrits dans les rapports sont ceux sur lesquels les cadres se penchent et étudient. Conséquemment, pour des raisons encore plus importantes que toutes celles nommées précédemment, réussir à motiver tout son personnel, (quelque soit l’âge) afin que tous et chacun travaillent de manière sécuritaire et prudente, voilà ce qui est vital!
S’il ne demeure pas moins qu’on ne peut mettre en pratique plusieurs ensembles de normes et de procédures, lorsque ceux-ci sont inspirés d’une approche de renforcement négatif ou de punition afin de motiver le personnel, rien ne nous empêche de mettre en place diverses approches, selon les personnes, lorsque ces dernières sont inspirées du principe du renforcement positif. Cette manière de faire s’applique tout aussi bien pour des renforcements concrets que ceux à caractère plus abstrait.
À titre d’exemple, « avoir du plaisir » peut s’avérer une forme de renforcement pour une personne au début de sa vingtaine, mais faire preuve de respect pour une autre abordant la soixantaine peut s’avérer plus efficace que la notion du « plaisir ». Différentes approches pour différentes personnes!!! Cette façon de faire les choses peut être plus difficile que de mettre en pratique une seule approche; néanmoins, ignorer les distinctions fondamentales entre les gens ne serait sans doute pas très sage non plus (tel qu’illustré au diagramme ci-haut). La courbe de ce diagramme présente les mêmes caractéristiques depuis plus de 50 ans, et à moins de changements draconiens de la nature humaine, à moins qu’une personne de 20 ans cesse tout à coup de se comporter différemment de celle de 60 ans et viceversa, cette courbe demeurera la même encore très longtemps.
Attitude positive
Tous les commentaires précédents ne veulent pas dire non plus, que vous n’êtes pas en mesure de changer le cours de certaines choses, à votre lieu de travail! Cependant, le premier élément à reconnaître est que la seule clé de succès réside dans une approche axée sur le renforcement positif plutôt que sur la punition et le renforcement négatif. Le deuxième élément à considérer est qu’il existe deux (2) types classiques de comportement « prudent » :
- Il y a le type de comportement prudent qui permet de prévenir un incident ou une blessure, dans un premier temps;
- Il y a le type de comportement prudent qui permet de prévenir que l’incident ou la blessure ne soit plus sérieux.
Personne n’a proclamé que la ceinture de sécurité de la voiture permet d’éviter toute forme d’accident de la route; par contre, les ceintures de sécurité permettent de réduire la sévérité de certaines blessures. Le même principe s’applique pour ce qui est des harnais de sécurité, qui n’assurent pourtant pas l’équilibre pour son utilisateur.
L’utilisation systématique des seconds exemples (ceinture de sécurité de la voiture et harnais de sécurité) est plus facile à mettre en pratique, parce que les résultats sont terriblement concrets : recevoir une contravention, être accusé d’imprudence, tout ceci peut devenir extrêmement « motivant »; par voie de conséquence, de nombreuses entreprises se sont penchées sur ces principes de « renforcement négatif » et ont tenté de mettre des mesures semblables au sein de leur milieu de travail, afin de « punir » les personnes qui ne respectent pas les normes et les procédures de sécurité (par exemple, des mesures disciplinaires, des points de démérite au permis de conduire, etc.).
Le renforcement positif pour des comportements sécuritaires tels les yeux sur la tâche à accomplir, la position du corps hors de la ligne de tir, etc. est proverbialement inexistant au sein de la majorité des entreprises. Connaissezvous quelqu’un qui a été remercié par un policier, (après qu’on lui ait demandé de se ranger sur l’épaulement de la route), de sa conduite automobile sécuritaire, courtoise et exemplaire??? Pourtant, « on n’attire pas des mouches avec du vinaigre… ».
Comment se fait-il que les entreprises n’utilisent pas le principe du renforcement positif, afin de motiver leur personnel à travailler de façon plus sécuritaire? La réponse se trouve peut-être dans l’énoncé suivant : le renforcement positif et efficient envers des comportements constants de travail sécuritaire prévenant des incidents et/ou des blessures de se produire, exige une observation du travailleur à sa tâche, ou encore d’enregistrer sur bande vidéo, un travailleur oeuvrant à ses fonctions. (Vous ne pouvez en toute bonne conscience remercier un travailleur d’avoir accompli ses tâches de manière sécuritaire ou le remercier d’avoir conduit en toute sécurité le chariot élévateur à fourche, à moins que vous n’ayez observé cette personne ou que vous ne l’ayez enregistrée sur une bande vidéo. Autrement, on ne croira absolument pas à vos remerciements). Vous pouvez approuver le geste du travailleur qui porte ses lunettes de sécurité ou qui enfile la ceinture de sécurité, parce que ces gestes représentent souvent des moments isolés.
Par contre, gratifier un comportement sécuritaire continu implique une observation pointue ou un enregistrement sur bande vidéo, pour en avoir la preuve concrète. Toutefois, ces deux méthodes peuvent sembler plus ou moins envahissantes pour de nombreux travailleurs malgré tout, en se donnant mutuellement la chance, la plupart des travailleurs préfèrent être observés.
Alors, le renforcement positif, le renforcement positif efficient, exige évidemment un investissement d’efforts; ce renforcement positif ne peut être mis en place d’un fauteuil de bureau. Un deuxième élément important à reconnaître est que bien peu de gens ont été les récipiendaires de ce genre de renforcement (qui était efficient en termes de motivation); par conséquent, peu d’entre eux pourront à leur tour en faire bénéficier d’autres personnes.
Si vous êtes sceptique quant à cette approche, tentez l’exercice suivant : divisez un certain nombre de vos employés en groupes composés de quatre à huit personnes chacun. Demandez à chacun de ces groupes de discuter ou de partager un exemple où quelqu’un (idéalement un superviseur ou un collègue de travail) les a remerciés d’avoir travaillé de façon sécuritaire (et ce, sur une base individuelle plutôt qu’une reconnaissance adressée pour le mieux-être de l’équipe); demandez leur ensuite, si ces remerciements ont permis aux personnes impliquées d’être encore plus sensibilisées à travailler de façon préventive dans l’avenir. La plupart du temps, chaque groupe se questionnera, puis après peu de temps (généralement, autour de 30 secondes), le silence s’établira au sein des groupes; cette quiétude sera pour vous, le moment pertinent pour avancer l’idée suivante, soit : « Eh bien, je crois que nous avons peut-être besoin de formation et/ou d’aide à ce sujet, puisque la plupart d’entre nous semblons sans véritable exemple à partager ».
Dès que vous maîtriserez comment observer de façon exacte et objective des comportements sécuritaires; dès que vous aurez maîtrisé comment apporter du renforcement positif à un type de comportement sécuritaire de manière efficiente, motivant ainsi (de façon positive) le personnel, à partir de ce moment-là, il deviendra aisé pour vous de varier votre approche, selon les personnes avec lesquelles vous transigez. Vous n’aurez plus à utiliser un seul modèle d’approche pour tous les membres de votre personnel. Évidemment, cela vous demandera davantage d’efforts que d’utiliser le renforcement négatif; mais, en contrepartie, les résultats en seront beaucoup plus percutants!
Larry Wilson agit à titre de consultant en santé et sécurité depuis vingt années. Il a travaillé sur place à plus de 2 000 entreprises, et ce, au Canada, aux États-Unis, au Mexique et en Europe. Il est l’auteur de SafeStart, un programme avancé de sensibilisation à la sécurité. Plus d’un million de personnes utilisent ce programme.
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