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Arrêter de nourrir les monstres

Nouvelles techniques pour créer une culture de sécurité positive

Arrêter de nourrir les monstres

Par Kevin Cobb.

 

Il était une fois, dans le monde des « affaires », un jeune homme qui cherchait à libérer le vaste royaume des fortes poignes de ses horribles monstres.

Les monstres vivaient les moments les plus joyeux de leurs vies, créant des dommages et menaçant l’existence même du royaume. En fait, ces monstres étaient devenus très habiles dans l’usage de leur terreur. Le règne de la peur et le pouvoir non-maîtrisé des monstres signifiaient qu’il y avait peu d’espérance que quelqu’un puisse venir à bout de conquérir ces mauvaises bêtes.

Pendant que les batailles faisaient rage, le tueur de monstres se décourageait. Il s’apercevait que certaines des personnes qui lui avaient dit vouloir tuer le monstre faisaient exactement le contraire : ils l’encourageaient, et ce, sans même s’en rendre compte. Le tueur de monstres savait qu’il ne pouvait plus continuer la bataille seul.

Le moment était venu d’apprendre aux autres qu’il fallait arrêter de nourrir les monstres. La réussite n’était pas possible sans l’engagement d’une équipe de tueurs de monstres pour rétablir la paix dans le royaume.

Évidemment, ce texte ressemble à une histoire pour enfants. Toutefois, éliminer les soi-disant « monstres » qui nuisent à la performance de vos affaires et qui causent des blessures et des accidents mortels n’est pas un jeu d’enfant.

Même si les monstres au travail peuvent prendre plusieurs formes, certains d’entre eux font des ravages lorsqu’il s’agit de la sécurité, de la qualité et de la productivité et ils ne sont pas présents uniquement lorsque nous sommes au travail. Ils travaillent 24h/24 et 7j/7, tant à la maison que sur la route. Ce sont, en fait, les endroits où la majorité des accidents et des décès ont lieu (7 fois plus d’accidents mortels à la maison et 20 fois plus sur la route).

Il faut d’abord et avant tout établir que les employés ne sont pas les monstres. Les monstres se présentent sous forme de précipitation, de frustration, de fatigue et d’excès de confiance – les choses qui nous poussent tous à commettre des erreurs. Nous nous sommes tous déjà blessés, mais nous n’avons jamais eu l’intention de le faire. Au-delà de 95% de ces blessures, nous avons simplement commis une erreur : ne pas regarder ou être attentif à ce que l’on faisait – même pour un bref instant. Ne pas fixer les yeux ou la pensée sur ce que l’on fait ne veut pas dire que vous êtes une mauvaise personne, mais plutôt que vous êtes un être humain.

La plupart d’entre nous avons déjà brûlé un feu rouge ou n’avons pas vu un arrêt. Voulions-nous nous diriger dans la ligne de tir? Non, certainement pas. Nous ne les avons simplement pas vus. Nous ne brûlons pas des feux rouges ou des arrêts pour nous amuser. Nous avons quitté la route des yeux durant un bref instant et nous nous sommes dirigés dans la ligne de tir. C’est la chance maintenant qui déterminera la gravité de nos blessures ou la possibilité de blessures. La simple erreur de ne pas garder les yeux et la pensée sur la tâche à accomplir contribue à une blessure potentielle ou à une fatalité. Les monstres continuent de faire des ravages.

C’est exactement ce qui se produit dans 95 % des blessures graves accidentelles. Nous n’avons simplement pas vu ou pensé aux risques à cet instant, même si nous étions conscients de l’énergie dangereuse. Est-ce que le fait de répéter aux gens « soyez prudents» les protège contre des blessures? Est-ce que le fait de leur mentionner, après coup, qu’ils auraient dû être entièrement attentifs à ce qu’ils faisaient leur est utile? La réponse est sans doute « non ». Ce qu’il faut retenir, c’est que nous devons tous examiner « pourquoi » nous avons commis l’erreur.

Pour ce faire, il faut revenir à la précipitation, à la frustration, à la fatigue et à l’excès de confiance. Ces quatre états sont à l’origine de ces erreurs. On ne nous demande jamais pourquoi nous n’avions pas l’oeil sur la balle et l’esprit complètement au jeu.

Arrêter de nourrir les monstres

Figure 1

Ces monstres ont même évolué au point de se nourrir eux-mêmes. Si quelqu’un se blesse, la gestion devient frustrée (monstre). Elle rassemble les employés et ceux-ci se font sermonner au sujet de l’importance de la sécurité, comme s’ils n’y croyaient pas déjà. Les employés deviennent plus frustrés, et ceci contribue davantage à l’erreur de ne pas avoir les yeux et la pensée toujours fixés sur la tâche à accomplir de même qu’à des blessures potentielles. En d’autres mots, les personnes qui veulent réduire à zéro le nombre de blessures sont en train de nourrir les monstres.

Savoir ce qui nourrit vraiment les monstres est utile, mais cela n’a aucune importance si vous n’y pensez pas au moment où vous êtes dans cet état. Lorsque vous vous précipitez parce que vous êtes en retard pour une réunion, pensez-vous au risque ou pensezvous simplement à vous présenter à la réunion à l’heure? Ou, lorsque vous effectuez une quatrième tentative, pour tourner une clé, afin de libérer un verrou, pensez-vous à la clé qui risque de glisser et à la ligne de tir? Lorsque vous êtes fatigué, réfléchissezvous à l’effet que cela pourrait avoir sur votre prise de décision? Ou, lorsque vous avez déjà accompli une tâche « mille fois », pensez-vous à l’excès de confiance et au problème que cela risque de causer?

Nous savons que ces quatre (4) états contribuent à des erreurs, mais que faisons-nous pour y remédier? Nous devons développer des habiletés pour gérer ces erreurs. Par exemple, nous devons développer des habiletés qui nous permettent de réagir spontanément de façon à être conscient d’être dans l’un de ces états. Lorsque vous vous précipitez, vous devez comprendre, à cet instant, le risque que vous courez de subir un accident ou de commettre des erreurs et l’importance de prendre des mesures correctrices. Bien sûr, lorsque vous vous rendez compte que vous vous précipitez, votre première réaction devrait être celle de ralentir. Toutefois, si vous ne pouvez pas ralentir (se précipiter à l’urgence avec un enfant, par exemple), vous pouvez réagir à cet état en vous concentrant davantage – garder les yeux et la pensée sur la tâche et penser à la ligne de tir, l’équilibre, l’adhérence et la prise. Cette simple technique a fait ses preuves, à maintes reprises, pour prévenir les accidents et les erreurs. Toutefois, réagir spontanément n’est qu’une parmi quatre techniques de réduction des erreurs critiques que vous pouvez utiliser pour prévenir les erreurs et les blessures (voir figure 2).

Arrêter de nourrir les monstres

Figure 2

Évidemment, nous ne pouvons prévenir chaque mésaventure. Nous subirons peut-être quand même des petites bosses et des ecchymoses. Mais, nous pouvons perfectionner nos habiletés, afin de pouvoir déterminer quel état a contribué à quelle erreur, et plus important encore, quelle technique de réduction des erreurs techniques nous permettra d’éviter de commettre cette erreur. En utilisant ces quatre techniques de réduction des erreurs critiques, nous perfectionnerons nos propres habiletés à reconnaître les erreurs potentielles avant qu’elles ne soient commises.

Je trouve intéressant le fait que les modèles d’états qui poussent aux erreurs se répètent au travail, à la maison et sur la route. Selon mon expérience, en travaillant avec plus de 75 000 employés oeuvrant dans des centaines d’entreprises, ces erreurs sont commises partout. Peu importe où je suis, au Canada, aux États-Unis, au Cercle Arctique ou dans les jungles du Mexique, ce sont les mêmes monstres qui poussent les gens à commettre les mêmes erreurs critiques. Du côté positif, ces quatre techniques sont très efficaces pour détruire ces monstres universels. Si elles sont appliquées régulièrement, nous réussirons à nous protéger ainsi que nos royaumes.

 

Kevin Cobb intervient dans les environnements de travail les plus exigeants, pour enseigner aux employés les techniques avancées de sensibilisation à la sécurité, et ce, aux États-Unis, au Canada et au Mexique. Passionné de la SST, Kevin Cobb partage un message clair et précis que « la sécurité est avant tout une question de technique et de motivation ». Son approche unique nous pousse à devenir responsable de notre propre sécurité et à porter une attention particulière sur nos techniques de sécurité et la façon de les gérer. Cumulant dix années d’expérience dans le domaine de la radiotélévision, Kevin est un présentateur dynamique qui suscite la réflexion.

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